Les enfants de Dana International : entre Sodome et l’Eden
Israël n’est pas à une contradiction près. Jugé souvent pour son côté « Jérusalem » traditionnel et religieux, trop oublient qu’Israël, c’est aussi Tel Aviv, mégalopole retenue par la méditerranée et son panorama européen. La ville « qui ne dort jamais » recèle de trésors inexplorés, de musés, de manifestations culturelles, de buildings high-tech à Ramat Gan, de maisons banhaus décrépites de Jaffo. Loin de la ville éternelle, située à 60km de là, Tel Aviv vie à mille à l’heure, au rythme d’une économie libérale, interrompue par le hoquet des alertes à la bombe. C’est à Tel Aviv que l’on mène une vie insouciante, les attentats rappellent que trop combien la vie peut être brisée. C’est à Tel Aviv que j’ai rencontré les « enfants de Dana International », comme les israéliens appellent les transsexuels et parfois, dans un sens plus large, la communauté gay.
Dana International, ou Sharon Cohen, est à Israël ce que Céline Dion est à la Francophonie : une diva. C’est d’ailleurs avec ce titre qu’elle a gagné l’eurovision en 1998. Mais Sharon ne s’est pas toujours appelée Sharon : 20 ans après l’aliyah de ses parents du Yémen, Yaron décollait de Tel-Aviv pour Londres pour subir une opération chirurgical, seule remède à ce que l’on appelle « Transgenre ». Yaron est devenue Sharon, pour les francophones disons que Michel est devenue Michelle. Une rencontre fortuite, à la croisée de platines, Sharon rencontre Ofer Nissim (DJ célèbre), enregistre plusieurs titres et devient très vite l’icône de ceux qui vivent entre l’Eden et Sodome, sans jeu de mots.
Le « transgenre » est un défaut de développement de la psyché dans les semaines qui suivent l’évolution de l’ovule fécondée en embryon. Les cellules reproduisent le code génétique, choisissant entre le X ou l’Y pour déterminer la couleur de la layette du bébé, alors que la psyché (comprenez ici par esprit, caractère, âme…) se développe dans le sens inverse. Je laisse aux biologistes le soin d’expliquer tout cela en plus amples détails, disons simplement que la mère connaît une forte production de telles hormones au mauvais moment, et que l’enfant grandira dans un corps que son esprit n’acceptera pas. Le seul « remède » est l’opération. La chirurgie a d’ailleurs fait d’excellents progrès dans ce domaine.
La fierté éprouvée lors de sa victoire et le fort impact médiatique de Dana ont bouleversé les idées reçues du peuple hébreu si bien que plusieurs avancées sociales ont sorti les gays, lesbiennes et transsexuels de l’exclusion. Tous ont le droit d’adopter, l’expérience a d’ailleurs été jugée concluante puisque ces couples, qui ont souvent grandis dans l’acceptation de ne jamais pouvoir avoir d’enfants, adoptent beaucoup : ceux sont d’ailleurs les couples les plus fertiles après les familles religieuses (moyenne 5 enfants, pour 7 chez les religieux et 3 pour les couples hétérosexuels). C’est d’ailleurs cet argument démographique qui a convaincu les britanniques à faire de même. Mais surtout, ils jouissent des mêmes droits fondamentaux que les couples mariés, sachant que la mariage est géré par les autorités religieuses et ne donne droit qu’à la nationalité, au contraire de notre mariage civil qui donne le droit au prêt, à des avantages fiscaux…
Et en période électorale, c’est un exemple que l’on doit prendre en compte car il n’y a pas de vote identifiable chez les homos. Comme le dit Alain Piriou, porte-parole de l’Inter associative lesbienne, gaie, bi et trans (Inter-LGBT) : "c’est plus un vote de sanction qu’un vote positif. Il ne suffira pas d’être pour le mariage pour gagner nos voix, mais prôner la discrimination pourra coûter cher à certains candidats. On pourra jouer sur les 1 ou 2 % qui pourraient manquer au second tour".
Le PS a inscrit dans son projet présidentiel que « le mariage et l’adoption seront ouverts aux couples de même sexe ». Jack Lang, était parmi les premiers à militer pour la réforme du code civil, Dominique Strauss-Kahn s’était prononcé dans le même sens. Ségolène Royal a confié dans le magazine Têtu sa " volonté de conduire ces réformes" au nom de l’égalité des droits. Les Verts s’étaient déjà décidés « pour » en 2001, suivis par le PCF.
A droite, 300 parlementaires UMP et UDF ont créé une entente qui veut défendre "le droit fondamental de l’enfant d’être accueilli et de pouvoir s’épanouir dans une famille composée d’un père et d’une mère". François Bayrou travaille de son côté sur une proposition « d’union civile célébrée devant le maire ». L ’Inter-LGBT voulait que le président de l'UMP se détermine sur le mariage et l’adoption pour les homosexuels. Nicolas Sarkozy s'est déclaré le 1er septembre 2006 opposé au mariage homosexuel à l'adoption d'enfants par des couples de même sexe : "le modèle qui est le nôtre doit rester celui d'une famille hétérosexuelle : les enfants ont besoin d'un père et d'une mère". Celui-ci propose une amélioration du Pacs pour une égalité sur le plan financier.
L’Espagne, la Belgique, le Royaume-Uni, les pays scandinaves, bientôt l’Italie ont tous opté pour la reconnaissance de ces droits. Et combien de familles homosexuelles devront batailler pour leur reconnaissance par les autorités françaises quand celles-ci immigreront vers notre pays ? Car ne nous y trompons pas, après avoir gagné les élections et appliqué notre programme, la croissance économique de la France sera telle que les Britanniques, Scandinaves, Italiens se presseront pour venir chez nous….