Indigènes
Je n’ai pu résister à l’engouement général pour la sortie du film « Indigènes », film qui devait réparer un oubli immonde des autorités et des manuels scolaires. Un film titré « Indigènes », et l’on connaît le sens péjoratif dans le vocable français, unissant à l’écran la pointe des acteurs fils d’immigrés.
Je n’ai pas été déçu.
Loin de moi l’idée de critiquer la mise en scène, le scénario, le jeu… l’intention est trop bonne pour entacher un film qu’il faudra présenter aux élèves obligatoirement.
Je me suis installé dans la salle avec beaucoup de préjugés : un film dans la lignée de « Joyeux Noël » : optimiste dans le malheur, un film qui devient l’instrument d’un David et Goliath où le faible est toujours à plaindre et le fort, toujours à condamner. Les acteurs ne m’enthousiasmaient guère, et Samy Naceri, violent avec les hôtesses de l’air, encore moins.
Et comme un mercredi, la salle était pleine de jeunes élèves, je dis « jeunes élèves » pour ne pas reprendre un mot de Nicolas Sarkozy qui avait enflammé les bien pensants (Je ne parle pas du nettoyant, mais de l’autre).
Les dialogues sont en arabe, les décors subliment. Le jeu des acteurs est absolument fantastique, les deux heures paraissent deux minutes.
Une scène m’a néanmoins dérangé, car plus que d’ouvrir un débat, que de souligner une idée intéressante, elle s’inscrit dans une accumulation de pathos dont le film n’avait pas besoin. Samy Nacery et son frère entrent dans une église, se résignent à ne pas piller la quête dominicale, s’émeuvent devant le Christ crucifié et concluent par un « C’est pas lui qui a envoyé ses chevaliers tuer des arabes ? ». Long débat sur la culpabilité des croisés, thème repris peut être du film « Saint Jacques la Mecque ». Qui est la victime dans la croisade ? Qui est la victime dans l’Espagne arabe ?
Alors bien sur, on peut débattre. J’ai entendu dire beaucoup de choses à la fin du film, de mots se mélanger et de faits historiques se confondrent sans intérêt.
J’ai été ému de voir ces jeunes si bruyants au départ, s’emporter de fierté, de cette fierté qui leur a fait dire « vous voyez, nous sommes aussi français que vous ». J’ai été ému de voir qu’en France, le dialogue et la dialectique nous donnent le courage de revenir et réparer les erreurs de nos pères, enfin ceux de nos grands-pères et non pas de Guillaume Tel, ni Innocent 2, et encore moins Hugues Capet. Un film qui démontre que la France s’est construite sur un métissage de peaux et d’idées et même s’il est difficile de vivre ensemble, c’est l’esprit cartésien qui nous fait avancer : thèse, antithèse, synthèse.
Le lendemain, je traversai le hall de l’aéroport de Mulhouse et une PLV affichait la couverture du « Nouvel Observateur » : Jamel Debouze, sur fond de drapeau français, et entre guillemets « J’aime la France ».
Ringard !